Cette 3ème semaine du festival Collection KarnaGe chez blog.thierryponcet.net, le coupable du jour s’appelle Patrice Herr Sang, auteur d’une dinguerie intitulée BABY TRAP. Même parmi la terrible petite tribu des écrivains d’épouvante, il y a des choses qu’on n’ose pas. Patrice Herr Sang, lui, oui. Jugez-en plutôt. Et ne le condamnez pas trop vite. Peut-être est-ce un petit être fragile qui souffre, lui aussi…
Attention, c’est écrit dessus : strictement réservé à un public averti. Et majeur.
Les deux corps se mouvaient avec grâce au milieu des draps en bataille.
Gérald caressait le corps de sa femme avec tendresse, sans précipitation. Jane le lui rendait bien, avec autant d’élégance et de passion. Ils n’étaient pas du genre à prendre du bon temps vite fait mal fait. Au contraire, plus il tardait, plus leur désir était fort et leur jouissance totale.
Tout à leur ouvrage, ils n’entendirent pas le léger couinement qui se fit entendre insidieusement. C’était comme une timide plainte, à peine perceptible. Elle provenait de derrière la porte fermée de leur chambre et, de plus, pris sous les chocs des deux corps entremêlés, les gémissements de déplaisir des ressorts du matelas s’amplifiaient, contribuant à étouffer le bruit lointain.
Gérald se retirait presque du havre de chaleur moite que lui offrait Jane pour mieux y pénétrer plus profondément, lui arrachant des feulements de contentement. Le sang lui battait aux tempes, tant il lui était difficile de contenir le feu qui l’embrasait. Son sexe ne demandait qu’à exploser dans cette tiédeur veloutée qui s’offrait sans retenue. Mais il préférait se réserver pour une éruption plus intense.
Un cri lui perça soudain les tympans. C’était un mugissement strident, cette fois, qui éclatait comme las d’attendre vainement on ne savait quoi. Il montait si haut qu’il finissait pat se casser en hoquets. Il y avait alors quelques secondes de répit silencieux, puis le hurlement éclatait de nouveau, encore plus puissant.
Jane ouvrit avec difficulté des yeux jusque là concentrés sur son plaisir intérieur. Ce fut pour croiser le regard excédé de Gérard.
– C’est John… murmura-t-elle.
– M’en fous ! grogna Gerald.
Et il concentra à nouveau toute son attention au corps de sa femme. Il reprit son lent mouvement de pénétration et eut le plaisir de la sentir bientôt cesser de se crisper et se ramollir sus lui en collant son ventre au sien. Il s’avança encore, cherchant à se perdre encore plus profondément dans ce bas-ventre qui était sien. Sur sa face exaltée, un large sourire étira ses lèvres.
Alors les cris reprirent de plus belle. Ils semblaient différents, cette fois, alternant de longs reniflements plaintifs et des hoquets étranglés. Ils traversaient la porte et les murs. Ils couvraient la sarabande des ressorts torturés et les gémissements échappés des gorges des amants.
La fin du monde n’aurait pu être plus crispante.
Furieux, acharné, Gerald essaya de reconcentrer toute son attention sur sa femme. Ses yeux coururent fiévreusement des pointes roses dressées à l’arrondi des hanches. Ses reins donnèrent des coups de boutoir nerveux…
Mais les hurlements s’intensifièrent, implacables, s’insinuant dans le moindre de ses neurones, rendant ses efforts inutiles. Jane elle-même renonça avec un soupir et se redressa sur ses coudes.
– Il faut y aller, chéri… Pas d’autre solution… Tu le sais bien…
Gerald respira profondément en la fixant dans les yeux, excédé. Il pinça ses lèvres, chacun de ses muscles désormais tendus par la colère.
Là-bas, insouciant de la tempête qu’il déclenchait, le monstrueux hurlement continuait sa saga perturbatrice.
D’un geste rageur, il rejeta le drap dans lequel Jane et lui étaient entortillés et jaillit hors du lit. Son dépit était visible. Son sexe pendait, maintenant flasque contre ses cuisses. Jane se recroquevilla sur le lit, entourant ses jambes de ses bras, le menton sur les genoux.
Gerald ouvrit si violemment la porte de la chambre qu’elle lui échappa des mains et alla cogner brutalement contre le mur, la poignée creusant un impact dans le plâtre.
Une veilleuse éclairait un mince couloir glauque qu’il traversa en tris enjambées.
Ayant atteint la porte la plus proche, il l’ouvrit sans ménagement et s’engouffra dans une petite pièce encombrée de jouets qui traînaient par terre, sur la commode et les chaises.
Alors qu’il allumait une lumière blafarde, il se prit les pieds dans un ours hideux en peluche rose sale. Se rattrapant de justesse, il jura, tout en envoyant valser l’animal d’un mouvement sec du pied gauche.
Au milieu de la chambre trônait un landau rose agrémenté de rubans bleus qui dégringolaient en cascade sur les pourtours. Le responsable des cris d’outre-tombe y reposait, tout aussi rose que son lit.
Celui-ci, le dénommé John, surpris de l’irruption brutale de cet homme nu et visiblement en rogne, trouva soudain judicieux de se taire. Ses yeux fixes étaient grand ouverts. Une larme glissait le long de sa joue gauche.
Gerald se pencha au-dessus du landau et, plongeant ses yeux noirs de fureur dans ceux mouillés du bébé, hurla à quelques centimètres de son visage :
– C’est pas bientôt fini c’bordel !!!
Un épais silence succéda à la violence de l’intervention.
Les deux êtres se jaugèrent du regard, statufiés.
Finalement, John déglutit, cligna des yeux et se figea, bouche bée de terreur. Gerald grimaça un sourire de contentement, se redressa et quitta prestement la pièce, sans oublier d’éteindre la lumière. Son esprit avait déjà oublié l’incident et se reconnectait sans attendre sur le plaisir interrompu. Bon signe, son sexe avait repris vie de lui-même, se redressant bien dur.
À peine avait-il refermé la porte de la chambre que les pleurs reprirent de plus belle !
Gerald stoppa net dans le couloir, ouvrit la bouche, comme asphyxié, cherchant l’oxygène, les yeux exorbités.
Il inspira profondément et, virevoltant d’un bloc, regagna la pièce qu’il venait de quitter.
Cette fois, il ne prit même pas la peine d’allumer et fonça droit sur le landau :
– Tu vas la fermer, connard ! Dis, tu vas la fermer, ta grande gueule de soiffard !
Ses mains avaient empoigné le landau qu’il secouait en tous sens, faisant ballotter le corps du bébé qui roulait dans ses couvertures. La petite tête heurta le rebord du lit de bois et les pleurs se décuplèrent. Ils semblèrent emplir la pièce. Chacun d’eux s’incrusta dans les oreilles de Gerald, lui crevant les tympans, lui semblait-il, afin de mieux atteindre son cerveau.
Mille douleurs explosèrent dans sa tête.
Il lâcha le lit pour se couvrir les oreilles des deux mains, fermant les yeux, le visage crispé.
Puis il les ouvrit lentement.
Lentement.
Il fixa haineusement le tas de chair qui continuait de piailler et, maintenant, agitait tous ses petits membres dans tous les sens…
Alors Gerald prit une décision.
Son regard coula vers le placard le plus proche de l’entrée de la chambre. Il l’ouvrit à la volée, au risque d’en arracher la poignée, découvrant un fatras indescriptible de jouets et d’objets indéterminés dont une partie s’effondra aussitôt à ses pieds, comme heureuse d’échapper à cet entassement asphyxiant.
Au milieu de clowns tristes, d’E.T au sourire niais et de poupées de plastique trônait une magistrale batte de base-ball.
Le nom d’un club s’y étalait en couleurs vives : « Angels Paradise ».
Le paradis des anges.
Tout un programme.
Gerald grommela :
– Tu vas voir comme il est beau, le paradis…
Il saisit la batte et se retourna d’un bloc vers le berceau, le dominant de toute sa hauteur, et leva lentement l’objet au-dessus de lui.
– Tu vas voir… Tu vas voir ce que tu vas voir…
La larve portant le nom de John s’agitait toujours dans son nid, continuant de pleurer, chouiner et gémir, émettant des borborygmes à s’en étouffer. Ses petits yeux larmoyants étaient fermés. Il ne vit donc rien venir.
La batte s’abattit sur son crâne, stoppant net ses hurlements, qu’un sinistre craquement remplaça. Le petit front se pourpra instantanément. Des filets de sang perlèrent à l’orée des narines. La batte retomba. Elle enfonça l’os frontal. Elle se releva et s’abattit de nouveau…
Le petit corps rebondissait sur le matelas. Des craquements lugubres résonnaient dans la chambre, ponctués des souffles d’efforts produits par Gerald.
Les coups s’accéléraient encore, effrénés, pleuvant de toutes parts.
Le berceau avait pris une teinte rouge-écarlate.
Un craquement plus puissant se fit entendre, suivi de l’effondrement du lit. John glissa au milieu des débris et roula au sol, petite chose désarticulée à la chair boursouflée et sanguinolente.
Gerald n’en continua pas moins de frapper, virevoltant comme un dément autour des ruines du berceau. C’était une sarabande diabolique. Une folie hors de contrôle. Les coups de batte alternaient avec les coups de pieds. Une mare de sang auréolaient maintenant le corps sans vie du nourrisson.
Gerald s’arrêta.
Il guetta un nouveau gémissement.
Mais seul le silence s’élevait désormais de ce qui n’était plus qu’un amas visqueux, multicolore, rouge, jaunâtre, informe et puant.
Gerald lâcha la batte par terre et quitta la funeste chambre.
Il réintégra celle où l’attendait Jane, dans la même position. Celle-ci coula un œil au sexe de son mari de nouveau dressé, congestionné de désir, et sourit.
– On va enfin pouvoir baiser tranquilles, commenta-t-il.
Remarquant quelques gouttelettes de sang sur son avant-bras droit, il les balaya d’un geste en regagnant le lit conjugal.
– Où en étions-nous, ma chérie ? Ah oui…
Il retrouva vite le chemin de la félicité tandis que Jane couvrait ses lèvres de baisers en susurrant :
– Mon amour, viens !… Viens… Viens…
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Et c’est MAINTENANT. Ou sinon…
À suivre les semaines prochaines, des extraits des opus de mes nouveaux confrères, les autres dangerous kids de la Zone 52 : ACID COP (Zaroff), SANCTIONS (Talion) et FIRENZE ROSSA (David Didelot)…
Ça va continuer à SAIGNER sur blog.thierryponcet.net !!!
(À suivre)