Ivresse

Y’a qué’ques années, mon (grand) poteau le (grand) photographe Serge Corrieras a réalisé un album noir et blanc au fil des bistrots qu’il a intitulé « Ivresses ».

J’vous en offre qué’ques clichés, ‘vec en pourboire un p’tit poème que ces photos m’ont inspiré.

ET JE TE PARLERAI DES IVRESSES

Commande donc des verres, Monsieur / Tiens, mets nous en même deux /Tandis qu’on est là, face à face / Tant qu’on se cause de Corrieras.

Dans l’œil à mon pote, y’en a des foules / Du coin de la rue au bout de la terre / Ça tangue là-dedans, ça danse, ça roule / Des bons garçons / Aussi des cons / Et même des tueurs de pères et de mères.

Commande donc des verres, monsieur / Où dois-je dire : Monseigneur ? / Tiens, deux, bien tassés les deux / Pass qu’y a aussi ceux-là / Ceux qu’ tu vois ce soir / Les dingos, les allumés, les soulards / Les barjots, les embrumés du fond des bars.

Ceux-là y sont ivres.

Ceux-là y sont libres.

Faut pas croire la publicité, Monseigneur / La liberté, c’est pas le bonheur / C’est d’la rage en rage, c’est du refus / C’est d’la grande colère qui gémit : non ! / C’est d’l’abandon de quand t’en peux plus / C’est rester fier pour pas tant de ronds.

Il est allé te les chercher, Corrieras / Leur destin accoudé au comptoir / Eveillés avant l’aube du rêve de boire / Piégés dans leurs fonds de nasses.

Alors regarde-les qui ricanent / Monseigneur, monsieur / Jette leur un œil, même les deux / Crois-moi, crois-le… / Bois / Vois :Se sont donnés au diable en bouteille.

Se foutent bien de toi, monsieur / Ou dois-je dire : Monseigneur ? / Garçon, envoie les vins, verse liqueurs / Qu’les gosses et l’épouse me damnent / A moi houblon, anis, trésors et merveilles !

Tu sais quoi, Monsieur… Monseigneur ? / Pose-toi là, oublie l’heure / Remets-nous des verres, Monsieur / Et puis tiens, mets-en encore deux.

6 commentaires

  • Laurent Gourlez dit :

    Photos superbes. Le pourboire fait chaud au coeur. Les deux ajoutés cassent cette saloperie d’hygénisme revenu en force, puissance 10. Histoire d’interdire une forme de rêve pas venue de la téloche ni de la pub. Un rêve antique.
    Demain les bacchanales.

  • Laurent Gourlez dit :

    – Dis-toi bien qu’si quelque chose devait m’manquer, ce serait plus l’vin, ce serait l’ivresse…
    Quartier-maître Albert Quentin

  • Oliv' dit :

    Les princes de la cuite ! Belle reférence à un singe en hiver…
    En tout cas si il y a un écrivain qui a illustré le propos de manière grandiose , c’est bien Antoine Blondin !
    Savez-vous que la scène de corrida que fait Belmondo avec les voitures est autobiographique de la vie de Blondin en plein Paris ?!?
    ça donne une idée de la dimension du bonhomme…

  • Oliv' dit :

    René Fallet est également incontournable sur le thème de la biture… Les vieux de la vieille, le beaujolais nouveau est arrivé…
    Oui d’accord c’est un peu la « littérature à Papa » mais c’est quand même du trois étoiles au Michelin…
    D’ailleurs avec Nicolas vous y seriez déjà, avec Gévéor vous y seriez encore !
    Salut les vieux gars, et merci Thierry pour trouver des thèmes de débat intéressants !

  • Pas oublier que Fallet était un grand copain de Brassens. « Dans un petit bistrot sur une place, tenu par un gros dé-gueu-la-A-sse »… A part ça, je vous invite à bien regarder la qualité des photos de mon pote « Sergio ». Le regard rêveur de la fille échappée d’un Van Gogh, la lumière en gouttes sur la tête du clochard, la détresse de l’ex légionnaire avec son bouquin…

Répondre à Oliv' Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *