Bouquin-quizz n° 22

 

Bonjour à tous.
Voici un extrait de… Je veux dire d’un roman de…
Non. Finalement, je ne vais pas vous l’indiquer. Ça vous amusera peut-être d’essayer de deviner.
Et si ça ne vous amuse pas, je vous conseille de le lire quand même. Ça vaut !

Jack trouva la salle de bains et pissa un coup. Un miroir lui renvoya son image, vieille, étrange. Il se mit au travail et brancha un magnéto sur le téléphone ; puis il feuilleta les vieilles revues porno.
Matériel bon marché, probablement de fabrication mex : coiffures d’espingos sur des modèles maigres et camés. Vertiges : il se sentit la tête tourner, comme après une bonne dose de came. Toute cette schnouff, sur les étagères, le faisait baver ; il se mit à coller Karen au milieu des photos. Il arpenta la pièce, fit résonner le vide sous ses pieds, souleva le tapis. Gros lot sur une mignonne petite planque bien cachée : en sous-sol, avec des marches qui s’enfonçaient dans un espace noir et vide.
Le téléphone sonna.
Jack enclencha l’écoute et décrocha :
— Salut. Tout ce que vous désirez – Imitation de Lamar Hilton.
Clic, on raccroche, il n’aurait pas dû utiliser le slogan. Une demi-heure s’écoula – le téléphone sonna.
— Salut, c’est Lamar – L’air de rien.
Une pause, clic.
Des clopes à la chaîne – la gorge qui brûle. Le téléphone sonna.
Essaie de marmonner.
— Ouais ?
— Salut, c’est Seth, à Bel-Air. Ça te dirait de nous annoncer quelque chose ?
— Bien sûr.
— Disons une cruche de jus de ver. Fais-ça vite et tu te feras un joli pourboire.
— Euh… redonnez-moi l’adresse siou plaît, v’ voulez bien ?
— Qui pourrait oublier une adresse comme la mienne ? C’est au 941 Roscomere ; et ne traîne pas en route.
Jack raccrocha. Dring dring à nouveau.
— Ouais ?
— Lamar, dis à Pierce que j’ai besoin de… Lamar, est-ce que c’est toi, mon garçon ?
SID HUDGENS !
— Lamar – un tremblement dans la voix.
— Euh, ouais. Qui c’est ?
Clic.
Jack appuya sur « replay ». Hudgens parla. Petit à petit, Jack comprit.
SID CONNAISSAIT PATCHETT, SID CONNAISSAIT LAMAR, SID CONNAISSAIT LE RACKET FLEUR DE LIS.
Le téléphone sonna – Jack l’ignora. Taille-la-ville – une main sur le magnéto, essuyer le combiné, essuyer toutes les saloperies qu’il avait touchées. Direction la porte, la nausée aux lèvres – l’air de la nuit lui mit les nerfs à vif.
Il entendit une voiture vrombir.
Un premier coup abattit la fenêtre de façade ; deux autres balles s’écrasèrent sur la porte.
Jack dégaina et fit feu – la voiture qui se taille, tous feux éteints.
Maladroit ! Deux balles frappèrent un arbre et firent gicler le bois. Encore trois coups, ratès, et la voiture qui s’éloigne en zigzags. Des portes qui s’ouvrent – des témoins.
Jack prit sa bagnole – dérapage, fiasco sur toute la ligne, tous feux éteints jusqu’à Franklin et son flot de voitures. Impossible de cadrer la bagnole des tireurs ; trop sombre, feux éteints, toutes les voitures autour de lui se ressemblaient : élancées, luisantes, ne cadrant pas. Une cigarette le fit ralentir. Il se dirigea tout droit à l’ouest, vers Bel-Air.
Roscomere Road : toute en lacets, une route en côte, des résidences bordées de palmiers. Jack trouva le 941 et se rangea dans l’allée.
Allée en demi-cercle, avec au centre une grosse maison pseudo-espagnole, de plain-pied et toit bas d’ardoises. Des voitures à la queue leu leu – une Jag, une Packard, deux Caddies, une Rolls. Jack sortit – personne ne lui sauta sur le colback. Il se plia en deux et releva les numéros des plaques.
Cinq voitures : de la tire de classe, pas de paquets Fleur de Lis sur les sièges moelleux et selects. La maison : fenêtres illuminées, tourbillons de rideaux de soie. Jack remonta l’allée et jeta un œil.
Il sut qu’il n’oublierait jamais les femmes.
Une, presque Rita Hayworth à la Gilda. Une, presque Ava Gardner en robe du soir vert émeraude. Un sosie de Betty Grable – maillot de bain à paillettes, bas à résille. Des hommes en smoking venaient se mélanger – de vieux débris en décor de fond. Il n’arrivait pas à détacher ses regards des femmes.
Illusion étonnante. Hinton à propos de Patchett : « Il fait le mec papa gâteau avec des filles déguisées et maquillées en vedettes de cinéma ». « Maquillées » ne leur enlevait rien. C’était là des femmes choisies, cultivées, mises en valeur par un expert. Etonnant.
Veronica Lake traversa la lumière. Son visage n’était pas aussi ressemblant, mais on sentait couler en elle toute la grâce d’un félin. Les hommes de fond de décor vinrent s’agglutiner autour d’elle.
Jack se colla plus avant contre la vitre. Vertiges. Les photos de cul, ces femmes en chair et en os ; Sid, cette porte qui se reclaque, qui se ferme, cette petite phrase…
Il rentra à la maison. La tête lui tournait de plus en plus : à cran, rageur, énervé, excité. Il trouva une carte de l’Indiscret sur sa porte, avec, en bas, écrit à l’encre, « Malibu Rendez-Vous ».
Il vit les titres sur cinq colonnes :

Le croisé de la came en pleine défonce abat des citoyens innocents !
Une célébrité de la police inculpée pour meurtres !
La chambre à gaz pour le grand V !
Sa jeune et riche petite amie lui fait ses adieux dans le couloir de la mort !

 

12 commentaires

  • Humphrey dit :

    James Hadley Chase – Le vautour attend toujours

  • Désolé, Boggie, mais l’hypothèse Chase ne me paraît pas tenir. Parce que 1) Chase utilisait peu l’argot et les grossièretés, à part dans la bouche de certains personnages ; 2) Sa structure de phrase restait classique, à l’inverse de l’auteur ici présent qui use et abuse des phrases tronquées et des tirets – ce qui semble indiquer un auteur contemporain. Les jeux restent ouverts. Indice en consolation : Chase était anglais, ce que n’est pas la personne responsable de ce texte.

  • Cary dit :

    Truman Capote – De sang froid

  • Oliv' dit :

    Mince alors c’est du costeau hein ?
    Est-ce que l’on peut savoir si cet auteur est suffisamment celebre pour avoir été porté à l’écran ?
    Il a l’air d’aimer les acteurs alors si tu nous tuyautes sur quelque succès hollywoodien ça sera surement plus facile…

  • LECHAUVE Dominique dit :

    Zut un polar, moi je n’y connais rien en polar, alors vivement la réponse que je m’essaye à cette lecture qui semble bien passionner les foules avides des bouquins quizz de notre ami Thierry

  • Oliv' dit :

    …Je vois débouler Jack Nickolson en Chevrolet Bel Air le long de Sunset Blvd, les pneus crissent quand il s’arrête pour prendre Jessica Lange dont la robe voilée flotte au vent tiède venant de la plage…

    Quel style balourd… pas facile de faire l’écrivain !!

  • Tu es dans la bonne ville, déjà. Essaie avec Russel Crowe et Kim Basinger…

  • johann dit :

    l.a confidential roman de james ellroy .

  • Oliver dit :

    J’avais trouvé la ville, après c’est trop facile, trop faciiiiiiiiiiiile avec les acteurs ! – je devrais prendre quand même un point !
    Allez Thierry, tu es bon pour une anecdote avec l’ami CZ sur L.A. ! Je vous imagine tous les deux déambuler sur Venice Beach…!
    ah bon, tant pis…
    Salut à tous

  • Juan Carlos dit :

    Bouquin-Quizz N° zzz

    « Golfito, enfin… Nous descendons du bus fourbus et écoeurés. Pendant plus de dix heures, nous avons eu droit à leur salsa. Abrutis par la musique, étouffés par la chaleur et la promiscuité, sur des banquettes pour trois, le voyage a été un enfer… »

    besoin d’en dire plus ? : – )

  • hé, hé, hé !… On connait ses classiques, je vois. A noter que chacun des volumes de la trilogie de l’aventure vécue commence par un nom de lieu et une arrivée de Cizia après un voyage éprouvant. SAHARA: « Niamey.Le camion nous a déposés poussiéreux et fatigués » ; PARODIE: « Vancouver, Canada. La traversée du Pacifique a été rude. »
    Pour le quizz qui nous occupe, Johann a bien mis dans le mille avec L.A. Confidential de James Ellroy, paru en France en 1990. C’est François Guérif, directeur de la collection Rivages Noir qui a découvert et fait connaître Ellroy au public français. Quelques années plus tard, alors qu’une autre société d’édition essayait d’appâter le Californien avec un gros gros gros chèque, il a répondu : « rien ne se fera sans François ».
    Bel exemple de fidélité. Enfin, moi je trouve…
    L.A Confidential a été adapté très librement au cinéma en 1997 par Curtis Hanson qui a vu son scénario récompensé par un oscar. Outre Russel Crowe et Kim Basinger, on y trouve Guy Pearce, Kevin Spacey et l’époustouflant Danny de Vito. On y voit aussi David Strathairn, qui sera plus tard le méchant chef des services secrets à la poursuite de Jason Bourne, et, dans un petit rôle, le débutant Simon Baker, devenu depuis une star en héros de la série The Mentalist.

Répondre à Humphrey Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *