Bonjour à tous.
Voici un extrait de…
Je veux dire d’un roman de…
Non. Finalement, je ne vais pas vous l’indiquer. Ça vous amusera peut-être d’essayer de deviner.
Et si ça ne vous amuse pas, je vous conseille de le lire quand même. Ça vaut !
Cependant, la hideuse puanteur et le gémissement lugubre étaient tellement plus nets dans cette vaste salle souterraine que le médecin fut contraint de leur accorder toute son attention.
Ayant projeté la lumière de sa lampe sur le sol, il s’aperçut que, par endroits, à intervalles irréguliers, certaines dalles étaient percées de petits trous. Une longue échelle, négligemment posée sur le sol, semblait complètement imprégnée de l’affreuse odeur qui régnait partout.
Soudain, Willett constata que l’odeur et le bruit paraissaient plus forts immédiatement au-dessus des dalles percées de trous, comme si elles eussent été des trappes donnant accès à de plus grandes profondeurs.
Il s’agenouilla près de l’une d’elles, et parvint à l’ébranler, non sans difficulté.
Aussitôt le gémissement devint plus aigu, et il lui fallut rassembler tout son courage pour continuer à soulever la lourde pierre. Une puanteur innommable monta des entrailles de la terre, et le médecin se sentit pris de vertige tandis qu’il dirigeait la clarté de sa lampe vers l’ouverture noire.
Si Willett avait espéré découvrir un escalier menant à un gouffre d’abomination suprême, il dut être fort déçu car il vit seulement la paroi de brique d’un puits cylindrique, de un mètre et demi de diamètre, dépourvu de tout moyen de descente.
Pendant que le faisceau lumineux s’abaissait vers le fond du puits, le gémissement se transforma en une série de cris horribles, accompagnés d’un bruit d’escalade vaine et de chute visqueuse.
L’explorateur se mit à trembler, refusant même d’imaginer quelle abominable créature pouvait bien s’embusquer dans cet abîme. Mais un instant plus tard, il rassembla le courage nécessaire pour se pencher par-dessus la margelle grossière, tenant sa lampe à bout de bras.
Tout d’abord, il ne put discerner rien d’autre que les parois gluantes et couvertes de mousse ; ensuite, il aperçut une forme noire en train de bondir maladroitement au fond de l’étroit cylindre, à vingt-cinq pieds environ au-dessous de lui. La lampe trembla dans sa main, mais il regarda de nouveau pour mieux voir quelle était la créature vivante emmurée dans les ténèbres de sa prison où elle mourait de faim depuis le départ de Charles Ward, un mois auparavant.
A n’en pas douter, il devait y en avoir un grand nombre au fond des autres puits recouverts de dalles perforées, où elles n’avaient pas la place de s’étendre, et où elles avaient dû rester tapies en bondissant faiblement de temps à autre pendant ces quatre semaines abominables.
Mais Marinus Bicknell Willett se repentit d’avoir regardé une deuxième fois, car, depuis lors, il n’a plus jamais été le même.
Il est difficile d’expliquer comment la seule vue d’un objet tangible, aux dimensions mesurables, a pu bouleverser à ce point un homme habitué au spectacle macabre des salles de dissection. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que certaines formes ou entités détiennent un pouvoir de suggestion qui fait entrevoir d’innommables réalités au-delà du monde illusoire où nous nous enfermons.
De toute évidence, Willett aperçut une entité de ce genre, car, pendant quelques instants, il fut frappé d’une démence frénétique.
Il lâcha sa lampe et ne prêta pas la moindre attention au grincement des dents qui se refermèrent sur elle au fond du puits. Il se mit à hurler d’une voix suraiguë, méconnaissable, et, incapable de se relever, il rampa désespérément sur les dalles humides d’où montaient de faibles cris qui répondaient aux siens.
Il déchira ses mains sur les pierres rugueuses et se meurtrit frénétiquement la tête contre les piliers, mais il poursuivit sa route.
Ensuite, il reprit lentement conscience et se boucha les oreilles pour ne plus entendre le concert de gémissements lugubres qui avait succédé aux cris. Ruisselant de sueur, dépourvu de tout moyen d’éclairage, accablé par le souvenir d’une effroyable vision, il songeait avec horreur que des douzaines de ces créatures terrifiantes vivaient encore au-dessous de lui, et qu’un puits était resté ouvert…
Par la suite, il refusa toujours de dire exactement ce qu’il avait vu.
L’entité prisonnière ressemblait à certaines sculptures de l’autel. De toute évidence, elle n’avait pas été créée par la nature, car elle n’était pas finie et nul ne saurait décrire ses proportions anormales.
Selon Willett, elle représentait le type de ces formes que Ward avait suscitées à partir de sels imparfaits.
Sur le moment, le médecin se rappela une phrase de la lettre de Jedediah Horn adressée à Joseph Curwen :
« A n’en point douter, il n’y avait RIEN que de très ABOMINABLE dans ce que H. a fait surgir en partant de ce qu’il n’avait pu réunir dans sa totalité. »
Puis il lui revint en mémoire les rumeurs concernant le cadavre calciné trouvé dans les champs une semaine après l’attaque de la ferme de Joseph Curwen. Charles Ward avait raconté à Willett que, selon le vieux Slocum, ce n’était pas un cadavre d’homme, et qu’il ne ressemblait à aucun animal connu des habitants de Pawtuxet.
Ces mots résonnaient dans sa tête tandis qu’il se balançait de droite et de gauche, accroupi sur les dalles de pierre. Il essaya de les chasser en récitant le Notre Père ; puis il se surprit à répéter la double formule qu’il venait de découvrir dans la bibliothèque souterraine.
« OGTHROD AÏ’F — EE’H YOG–SOTHOTH ’NGAH’NG — AI’Y ZHRO… »
Cela sembla le calmer, et il parvint à se mettre sur pied en chancelant.
Déplorant amèrement la perte de sa lampe, il regarda avec attention tout autour de lui dans l’espoir de discerner une faible lueur provenant de la bibliothèque. Au bout d’un certain temps, il crut apercevoir dans le lointain une vague clarté, et se traîna à quatre pattes dans cette direction avec une prudence terrifiée, craignant sans cesse de se cogner contre un pilier ou de tomber dans le puits ouvert.
A un moment donné, il toucha la dalle perforée de trous qu’il avait enlevée, et une angoisse atroce s’empara de lui. Mais il eut la chance d’éviter l’ouverture béante, d’où aucun bruit ne montait plus à présent : la créature qui avait tenté de broyer sa lampe ne pouvait plus se faire entendre…
A plusieurs reprises, au cours de sa lente progression, il vit diminuer la lueur qui lui servait de guide, et il comprit que les lampes et les bougies allumées par ses soins devaient s’éteindre l’une après l’autre.
L’idée d’être perdu au cœur des ténèbres de ce labyrinthe cauchemardesque le poussa à se relever et à courir ; car, la dernière lumière une fois disparue, il ne lui resterait plus qu’un seul espoir de survivre : l’arrivée des secours que pourrait lui envoyer Ward le Vieux au bout d’un temps plus ou moins long.
Bientôt, il atteignit le couloir et vit que la lueur provenait d’une porte à sa droite.
Un instant plus tard, il retrouvait la bibliothèque secrète de Charles Ward et regardait mourir la dernière lampe qui venait d’assurer son salut.
(A suivre)
7 commentaires
oui euh… alors ça craint quand même un vieux maximum… à ne pas mettre entre toutes les mains et à ne pas lire à la nuit tombée. Edgard Poe à côté c’est un peu la bibliothèque rose !
Pour être franc je ne me souvenais plus du titre mais « OGTHROD AÏ’F — EE’H YOG–SOTHOTH ’NGAH’NG — AI’Y ZHRO… » m’a mis sur la bonne voie et j’ai deviné l’auteur sans devoir gruger ( juré ! )
Donc une affaire bien sombre à en juger l’épisode abomifreux ci-dessus.
Curieux genre en vérité si l’on considère les 4 premières lettres du nom de l’auteur on aurait pu s’attendre à la collection Harlequin mais… non ce n’est décidément pas le cas !
EXT Jour, deux hommes assis dans une voiture, le passager demande au conducteur :
– Ils vous ont trouvé quelque chose ?
– Oui, enfin je crois que c’est pas grand chose. Enfin je serai complètement rassuré dans 8 jours.
– A vous aussi ils ont dit : « on va quand même faire une biopsie » ?
– Oui mais ça c’est presque chaque fois… c’est banal.
– Il parait que j’ai neuf chance sur dix que ça soit bénin.
– Vous êtes toujours optimiste comme ça ?
– Il y a des gens qui savent qu’ils peuvent être malades… moi je ne peux pas !
– ( il rit )
– En plus vous savez ce qu’il m’a dit le professeur Lever ? Il m’a dit « le pire n’est jamais décevant » !
– Ah bon ? Ah il est pas seulement bon, il est rapide en plus ! … alors qu’est-ce que vous faites dans la police exactement ?
– Bizarrement je fais tout sauf des rôles de flic !
– Comment ça ?
– Bah c’est à dire que normalement je suis comédien – c’est à dire que je rêve toujours d’être comédien – mais en attendant je joue des rôles pour infiltrer certains milieux, en attendant d’avoir la possibilité de revenir au théâtre.
– Ah ça ! Là je peux vous aider parce que dans ce milieu je connais tout le monde, alors je peux vous filer un coup de main.
– Ecoutez si… si ça n’est pas trop vous demander bien sùr. Si dans 8 jours tout va bien et bien je vous appellerai.
– Oui , volontiers, vraiment !
– Merci. …Il parait que le président est malade ?
– Oh ! Ca doit pas être bien grave !
– Pardonnez-moi de vous poser cette question mais puice que j’ai la chance de vous voir en vrai… c’est quoi avoir le sens des affaires ?
– Le sens des affaires… Bah pour être simpliste – mais c’est pas loin d’être ça quand même – vous n’achetez jamais ce qui est à vendre. Et puis quand vous voulez vendre quelque chose, vous marquez dessus que c’est vendu.
– Vous n’achetez jamais ce qui est à vendre… vous marquez dessus que c’est vendu…
– Voilà !
– C’est énorme !
– … et c’est pour ça que les hommes mariés ont tant de succès !
– Je comprends pas tout mais c’est énorme ! …vous n’avez pas mis votre ceinture de sécurité.
– Bah non !
– Pourquoi vous ne mettez pas votre ceinture ?
– Aujourd’hui, je sens qu’il ne peut rien m’arriver ! D’abord parce que je suis avec un flic, ensuite parce que je déteste les choses systèmiques : je monte, je roule, je mets la ceinture… on finit par la mettre on ne sait plus pourquoi. Moi je mets la ceinture quand j’ai peur, uniquement quand j’ai peur ! Quand j’ai pas peur je mets pas de ceinture, quelque part c’est formidable, on sait pas si on va arriver… moi j’aime ça !
– C’est énorme !
– J’adore quand tu me dis c’est énorme.. tu vois : j’adore !
– Je peux vous poser une question ?
– On se dit tu !
– Est-ce que vous auriez – ou est-ce que tu aurais la gentillesse, comme ça – sans non plus perdre la route parce que ça c’est l’angoisse ! – de me dire : bonjour ! comme ça…
– Je te dis : bonjour ! …et tu sens bien qu’il y en aura d’autres des bonjours ! C’est pas parce qu’on nous a fait une fibroscopie, avec une biopsie, que d’un seul coup on va se croire perdu ! Tout nous appartient encore : le pire n’est jamais certain, jamais !
– Mais alors pourquoi l’autre a dit le pire n’est jamais décevant ?
– Parce que c’est pareil ! Les deux existent, regarde : le pire n’est jamais décevant, jamais : c’est une aventure le pire ! C’est quelquechose d’extraordinaire, le pire, mais le pire il est jamais certain, jamais ! Au moment ou tu crois que c’est fini, tout est possible encore… tout est possible encore. Neuf chances sur dix, tu te rends compte ? Si j’avais eu toute ma vie neuf chances sur dix…
– Mais c’est cette fameuse idée de Pascal… vous savez l’idée de Pascal quoi… ? l’idée qu’il faudrait faire les gestes de la foi, et que – en gros – en faisant les gestes de la foi, la foi viendrait !
– J’aime pas Pascal… J’aime pas Pascal… non j’aime pas Pascal ! … Moi je suis un marchand, je fais du commerce. C’est la règle du commerce : l’échange. Mais la règle du pari, c’est une règle que je n’accepte pas : je ne crois pas en Dieu parce que j’ai intérêt à croire en Dieu… ça je ne peux pas ! C’est le seul moment ou on a pas le droit d’attendre d’un échange ou de le faire par intérêt… donc : il me débecte !
– Oh là là, vous dépassez Pascal !
– Je le dépasse pas : je dis qu’il a tort de considérer qu’on peut croire en Dieu sous la forme d’un pari… on parie au tiercé, on parie pas sur Dieu !
– Vous dépassez Pascal, c’est énorme !
– Je le dépasse pas : je renonce à croire que sa théorie est bonne, et si t’es marchand, tu peux pas l’accepter, y a des limites !
– Mais avec tout le respect que je vous dois, est-ce que vous pensez que c’est un pari pragmatique ?
– Oui, la règle du pari de Pascal, c’est que j’ai intérêt à parier !
– Qu’est-ce que j’ai à perdre, c’est ça…
– Non c’est qu’est-ce que j’ai à gagner à le faire ! On ne parie pas Dieu parce qu’on a a y gagner, on parie Dieu si on y croit, si on pense que la raison d’être… D’ETRE : c’est que Dieu est LA’ !
– C’est énorme !
– Sinon la vie ne peut être possible que si on envisage la mort, sinon c’est seulement de la procréation… c’est l’ambivalence… c’est le principe des oppositions… tu connais le principe des oppositions ?
– Non !
– Ton cerveau, tes fantasmes, tes envies, tes désirs – ne sont que la contrepartie, que les oppositions de tes vices ! Toujours… toujours ! … mais enfin tu sais pour apprendre la vie il faut toute la vie !
– C’est presque du Jouvet ; vous avez quand Jouvet dit aux élèves : « tu mets un peu d’art dans ta comédie, un peu de comédie dans ton art, alors qu’il faut simplement mettre un peu de vie dans ta comédie, … et un peu de comédie dans ta vie !
– Voilà ! T’es déjà redevenu comédien… tu vois tu vas réussir, tu vas réussir !
(avec l’aimable autorisation de Thierry)
… non en fait c’est un script-quizz, je me suis gouré de rubrique !
Pas grave.
Dis-donc, c’est louche sous le tapis, ton truc…
Alors du coup on a sauté le mode d’emploi du quizz n°49, j’avais bien une ch’tite idée mais pas de confirmation, genre homme ou femme…?
A propos as-tu des nouvelles d’un blogueur néo retraité de l’aéropostale ?
Howard P. Lovecraft, étrange auteur d’étrange, pur produit de l’austère Nouvelle Angleterre, torturé et souffreteux, mort dans sa ville de Providence à 47 ans, peu après le décès de son copain, un autre cinglé, auteur des Conan Le Barbare, Robert E. Howard.
Dans toute l’oeuvre de Lovecraft, pour l’essentiel composée de nouvelles, se déploie un monde parallèle de terrorisantes ténèbres où règne le Chtutlu, entité indistincte, soit vermiforme, soit pur esprit, dont la rencontre rend immanquablement les hommes fous de terreur. De rares initiés lui vouent un culte et savent l’invoquer au moyen d’incantations inquiétantes où revient toujours le « Yog-Soggoth » ici finement repéré par Oliv’.
La plupart des textes de Lovecraft, dont le roman L’Affaire Charles Dexter Ward d’où est extrait le texte ci-dessus, ont été publiés en J’ai-Lu. A noter que l’excellente traduction d’un monsieur nommé Jacques Papy, allégeant la prose un peu lourde de Lovecraft en anglais, a beaucoup fait pour son succès dans notre contrée.
A noter également que Stephen King s’est livré à une (excellente) imitation du maître de Providence dans la nouvelle épistolaire Celui Qui Garde Le Ver, qui ouvre son recueil Danse Macabre.
…et que dire du necronomicon, livre maudit d’incantation et de magie noire écrit au VIII ème siècle au Yemen par cet arabe Abdul Al Azred mort fou… le pire n’est jamais décevant je te dis !