COLLECTION KARNAGE 06 – FIRENZE ROSSA


Dans la Collection KarnaGe, pour ce dernier numéro de la série, un GIALLO. « Giallo », « jaune » en italien, désigne un ouvrage, film, roman ou roman photo à la frontière du polar, de l’horreur et de l’érotisme, avec une bonne dose des trois dans la recette. Chez Zone 52 éditions, il y a un cinglé du giallo. Il s’appelle David Didelot. Ce type, si on lui parle d’une obscure pellicule italienne tournée avec trois lires cinquante et cent litres d’hémoglobine dans la banlieue de Naples en 1973, il vous dit : « Attends ! ». Il s’en va farfouiller dans ses étagères et il vous rapporte, triomphant, une VHS avec une femme en sang qui hurle sur la jaquette. Pas seulement une VHS : LA dernière VHS existante du truc. C’est David Didelot. Par ailleurs l’auteur de FIRENZE ROSSA, le giallo de la Collection Karnage. Avanti !

 

Attention, c’est écrit dessus : strictement réservé à un public averti. Et majeur.

 

– La signora della Rossa n’est pas avec nous ce soir ? J’espère qu’elle se porte bien, au moins…
– Mon cher Brighelli, Donatella est allée visiter sa vieille mère, à Scandicci. Donna Moana ne va pas mieux, malheureusement, et je crains fort qu’elle ne passe pas l’hiver… Mais mon épouse devrait revenir cette nuit même : s’éloigner de Florence lui est insupportable. Elle dort mieux sous la protection de Flora et de Jean Le Baptiste, notre saint bien aimé.
– Désolé, cher Comte, je suis trop curieux. Déformation professionnelle, probablement…
– Laissez, ispettore, il n’y a pas de mal à prendre des nouvelles. Je suis moi-même bien soucieux, la santé de ma femme est si fragile… Mais venez, cher ami, nous serons mieux à la bibliothèque pour bavarder. Vous boirez bien un dernier verre de ce chianti.

Francesco della Rossa avait les manières et les manies de sa caste.
Il était d’une veille famille florentine qui vivait sur les bords de l’Arno depuis des siècles et, la « cité des Lys », il la connaissait par cœur : ses innombrables églises, son histoire mouvementée et ses crimes les plus sordides.

Il n’y avait pas meilleur guide pour l’inspecteur Antonio Brighelli, et pas meilleur informateur quand celui-ci nageait dans le brouillard d’une enquête.

Della Rossa était encore bel homme malgré les années. Ses yeux brillaient d’une intelligence hors-normes et d’une culture invraisemblable. Ce n’était pas le moindre de ses charmes. Et c’était ce qui avait séduit la jeune comtesse della Rossa, d’au moins trente ans sa cadette.
L’homme était à l’image de son palais – presque aussi noble que le célèbre Pallazzo Caponi. Une demeure d’un autre âge, obsolète et anachronique dans ce monde de paillettes, de lumières et de frime.
Francesco della Rossa avait lui aussi refusé d’évoluer. Il semblait vivre en dehors du temps ainsi qu’à l’abri des vicissitudes de son époque. Son horloge s’était arrêtée au XVème siècle, à cette ère bénie des Médicis, Pazzi et autres Strozzi. Il vivait toujours dans les souvenirs de Laurent le Magnifique, de Boticelli, de Dante Alighieri et de sa Béatrice adorée. Portant fièrement l’étiquette aristocratique dont il était un incontestable héritier, il détestait la bourgeoisie inculte qui avait pris le pouvoir sur toute chose.

Plus jeune qui lui, Antonio Brighelli, le flic, s’entendait à merveille avec ce comte suranné rencontré lors d’une soirée de gala organisée par les donateurs de la ville.
Le courant était immédiatement passé entre le policier et l’aristocrate. Ils étaient d’accord sur certains principes : Firenze risquait de crever de la laideur contemporaine et il fallait tout faire pour y remédier. S’appuyer sur les souvenirs d’un âge d’or. Balayer la superficialité des années 80 en chérissant les vieilles pierres de la città, ses palais somptueux et tous les trésors artistiques qu’ils renfermaient…
Chez Francesco, tout respirait l’Histoire. Les Arts. La Littérature. Les Grands Hommes.
On n’aurait pu trouver meilleur avocat de la bella Firenze.
Deux mondes s’affrontaient et le comte était un combattant convaincu de sa supériorité intellectuelle.

– Antonio, parlez-moi de cette affaire épouvantable. Il paraît que le tueur a encore sévi le mois dernier ?
L’inspecteur but une gorgée de chianti. Avec circonspection.
– Et toujours pas de suspect depuis onze ans ? insista l’aristocrate. Cela me semble improbable ! Je suis persuadé qu’ils ne racontent pas tout dans La Nazione
– Francesco, se décida à répondre le policier, vous en savez bien autant que moi, je vous assure.
– Quoi qu’il en soit, poursuivit della Rossa avec agacement, ce tueur des collines fait un mal fou à notre ville et à notre province. Ces meurtres sont contre nature. Ils gâtent la réputation de nos paysages et inquiètent l’âme de nos gens. Et puis, comme de coutume, les agitateurs en profitent pour faire valoir plus de libertés. Toujours plus de libertés !… Vous connaissez la chanson : si nos jeunes avaient le droit de forniquer librement, de « coucher » avant le saint mariage, eh bien ils ne se cacheraient pas dans leur voiture et tout cela ne serait pas arrivé. Quelle candeur du raisonnement… On attaquera bientôt l’Église, vous verrez… Et elle sera rendue responsable de toutes ces horreurs… Il y a peu, cet imbécile de commissario n’a-t-il pas soupçonné quelque prêtre dévoyé ?
– Arrêtez, Francesco. Ne vous faites pas plus réactionnaire que vous ne l’êtes. Ma parole, on croirait la réincarnation de Savonarole !
– Mais c’est une médaille pour moi ! Un compliment !… Un nouveau Bûcher des Vanités ne serait pas de trop au milieu de la Piazza della Signoria. Nous sommes entrés en décadence, mon cher Antonio, et Florence ne peut souffrir cela ! Le berceau de notre culture est en train de devenir son cercueil… et son bordel !

Le poing du vieil homme s’était mis à marteler l’accoudoir du fauteuil.
Firenze a cédé au chant des sirènes libérales, continuait-il. Elle court à sa perte. Observez donc ce qui se passe en été : ces flots de touristes qui envahissent nos édifices les plus sacrés, alors que ces impies laissent leur chair découverte ! Et personne ne trouve rien à redire… Nous avons sacrifié aux modes de l’époque, Antonio, et Florence nous le fera payer au centuple.
Della Rossa s’abîma un instant dans de sombres réflexions, le front soucieux, puis reprit :
– Saviez-vous que des margoulins préparent déjà un film sur cette terrible affaire ? Rendez-vous compte ! Un film sur une histoire pareille !… Ont-ils pensé aux familles ? Aux proches ? En tout cas, moi, Francesco della Rossa, je ferai tout pour qu’une telle horreur ne soit pas diffusée dans notre ville. J’irai en parler moi-même à notre pretore ou à notre maire. Lando Conti est un mou, je le sais bien, mais il accédera à ma requête, j’en fais le serment !
– Cher comte, cela vaut-il de s’énerver à ce point ?
Mais Francesco n’écoutait plus, tout à sa colère et à ses détestations.
– Et si j’avais pu, j’aurais aussi fait interdire ce livre de Brezzi il y a quelques années. Vous vous souvenez ? Il Mostro Di Firenze. Un torchon !… Quand je pense que Ricardo Cartolo s’apprête à faire paraître le sien !… Les crimes de ce maniaque sont devenus une manne financière pour les charognards de notre temps.

Antonio Brighelli sourit et s’alluma une cigarette.

– « Le Monstre de Florence »… Nous ne le prendrons jamais, Franceso, vous pouvez me croire. Il s’arrêtera quand il l’aura décidé. Nous n’y pouvons rien. C’est lui qui a les cartes en mains, sûrement pas Perugini et sa Squadra Antimostro. La seule chose qui intéresse cet imbécile, ce sont les micros et les caméras…
– Antonio, c’est vous qui auriez dû être mis sur cette affaire.
– Je ne décide pas, mon cher comte. Et je n’ai pas le plaisir de connaître la signora Perugini. Sauf votre respect, elle a dû faire valoir ses charmes pour convaincre le procureur…
– L’époque, inspecteur, l’époque… C’est celle que vous vous être choisie, vous et vos contemporains. Celle de la passagiatta à toutes les heures, des séductions viles et des coucheries express !
Antonio ne releva pas et poursuivit :
– Quant au dernier crime, vous savez tout. Et c’est bien là le problème : La Nazione n’oublie rien dans ses colonnes. Le tueur doit bien rire en lisant le compte-rendu détaillé de ses exploits.
Il soupira.
– Cette fois, ce sont des petits Français qui sont tombés entre ses griffes. Pauvres gosses…
Il soupira de nouveau.
– Comme de juste, personne n’a rien vu à San Casciano, et l’on est même pas sûr de la date du crime. Tout ce que l’on sait, c’est que la tuerie a eu lieu en pleine nuit – comme d’habitude -, et en pleine campagne, – comme d’habitude. La pauvre fille a été tuée au Beretta puis mutilée post-mortem – comme d’habitude…
Cette fois, le soupir qui s’échappa de sa poitrine fut long et profond.
– Je vous sais pudique, cher ami, mais l’assassin lui a arraché le pubis et coupé le sein gauche, dont il a envoyé un lambeau au procureur par voie postale. Je sais que ce n’est pas très correct, mais je ne peux m’empêcher de sourie en imaginant la tête de ce rond-de-cuir quand il a ouvert le paquet !… Bref, demandez donc à Brezzi de vous donner les détails, il en sait plus que moi, ce fouille-merde… Oups, veuillez m’excuser, Francesco, je deviens grossier.
– Arrêtez de faire votre mijaurée et continuez donc.
– Oh, il n’y a rien à ajouter. Le garçon a été poignardé puis égorgé après une course-poursuite dans la forêt de Scopeti. Comme dans un mauvais film d’horreur. Les deux tourtereaux venaient de s’envoyer en l’air. La toile de leur tente a été découpée au couteau. Voilà, vous savez tout, cher comte. Nous en sommes à quatorze victimes depuis 1974, et toujours rien de sérieux à nous mettre sous la dent. C’est désespérant.

Francesco della Rossa s’était tu, les lèvres collées à son verre de chianti.
Il était plongé dans ses pensées, le visage assombri.
Antonio Bringhelli ne l’avait jamais vu si préoccupé et il en éprouva quelque inquiétude.

Il balaya des yeux le décor alentour et prit une profonde inspiration.
Dans la bibliothèque, la comtesse avait laissé derrière elle les senteurs entêtantes de son parfum.
La lumière du lustre vénitien n’éclairait qu’à peine le bureau immense jonché de vieux journaux et de bibelots rares.
Le reste de la pièce restait dans l’ombre.
Les portraits peints d’illustres ancêtres dont les prunelles étincelaient dans l’obscurité. Les immenses rayons de vieux livres, incunables qui, chacun, valaient une fortune.
Exposé sur une étagère, on devinait un écrin doré renfermant les premiers florins distribués à Firenze.

Et puis, en face du policier, le Martyre de sainte Agathe de Sebastiano del Piombo. Sainte Agathe de Catane, protectrice des femmes violées et torturées, dont le proconsul Quintien, selon la légende, fit arracher les seins à la tenaille.
La présence de ce tableau à la place d’honneur du bureau n’avait rien d’étonnant. Habitué aux pèlerinages les plus rudes et aux messes quotidiennes de l’aube, Francesco della Rossa était de ces catholiques traditionalistes versés en martyrologie et en merveilleux chrétien.
Il connaissait sa Légende dorée par cœur et il n’aurait pas fallu mettre en doute devant lui les récits édifiants de Voragine, sous peine d’essuyer son courroux.

Brighelli pressentait un nouvel orage au-dessus de sa ville, qui abîmerait encore l’histoire et les âmes de Florence.
Comme si cette affaire du Monstre n’était qu’une mise en bouche dans l’ordre du crime.
L’exordium à une tragédie bien plus terrible encore.

L’été s’était conclu dans le sang et l’horreur… Mais l’automne balaierait les derniers espoirs de rédemption.

Antonio brisa le silence qui s’était installé :
– Comte della Rossa, il se fait tard. Je vais vous laisser. La signora Donatella ne devrait pas tarder, d’ailleurs…
– Vous ne reprenez pas un verre, mon ami ? Demain, c’est le jour du Seigneur. Et comme vous n’allez pas à la messe, incroyant que vous êtes ! Vous vous reposerez.
– Anna va s’inquiéter. Il est bientôt minuit.
– Comme vous voudrez… Mais repassez dans la semaine si vous pouvez : Donatella sera ravie de vous revoir. Alessio, Alessio !… Notre hôte se retire. Voulez-vous le raccompagner ?
Le domestique apparut dans l’entrebâillement de la porte, les effets d’Antonio au bras.
– Buona notte, Comte della Rossa, et merci pour cette soirée.
– Buona notte, ispettore.. e attentione al Mostro !

Antonio Brighelli eut un sourire contraint et disparut das l’ombre des corridors.

Au même moment, la fête battait son plein au Cupido Lussurioro.

Sur Le Lit de tous les Vices, Carla avait détaché ses beaux cheveux bruns et s’en donnait à cœur joie : elle exultait sous les coups de boutoir de Guido, mâle à la musculature impressionnante et à la mâchoire carrée.
Le garçon la prenait par derrière avec violence, frappant les fesses offertes du plat de la main à chaque nouvelle offensive. De l’autre, il tenait sa proie par les cheveux, soucieux de soumettre complètement sa monture.

Carla admirait sa propre lascivité dans le reflet des immenses miroirs qui entouraient Il Letto.
Elle aimait se contempler quand elle baisait, et la décoration lui convenait parfaitement.

Affalé sur des coussins, Gino avait repris un peu de vigueur. Il se leva puis fourra son énorme queue dans la bouche de la jeune femme. Carla hoqueta puis s’activa autour du gland tendu…

 

Vous pouvez trouver tout ce que vous ne voudriez pas savoir mais ne pouvez pas vous en empêcher sur le « giallo » dans le fanzine de David Didelot et son complice Thomas Jaeckhttp://videotopsie.blogspot.com/?fbclid=IwAR2UWf68r6LVeSJgDJa-6ThehfyufushtGyRrA-R74c847NrMtMbLiMpP5s

Et sa version facebook : https://www.facebook.com/davedidt

 

ET N’OUBLIEZ PAS : c’est dans la Collection Karnage, de Zone 52 éditions, que vous trouverez l’excellent roman d’épouvante GOANNA MASSACRE, d’un certain… THIERRY PONCET !

 

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Et c’est
MAINTENANT. Ou sinon…



(À suivre)

 

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